Lorsque vous avez déposé une ou plusieurs demandes de titre de séjour, il arrive très souvent que la Préfecture prenne beaucoup de temps à répondre.
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que les demandes doivent normalement être prises dans un délai de 4 mois par le Préfet. Ainsi, à défaut de réponse dans ce délai, le silence de l’administration matérialise une décision de refus implicite (I) qu’il est possible de contester (II). I - Le délai légal de réponse : 4 mois A - La date de départ du délai : une date à prouver Le délai de 4 mois démarre à compter du dépôt du dossier complet à la Préfecture. D’une part, cela signifie qu’il faut pouvoir prouver que vous avez déposé un dossier complet à la Préfecture et la date de ce dépôt. En effet, si votre dossier n’est pas complet lorsque vous vous rendez à la Préfecture, celle-ci peut refuser d'enregistrer votre demande. Il est donc impératif de bien vérifier que vous fournissez toutes les pièces requises. Pour prouver la date du dépôt, rien de mieux que de demander une attestation de dépôt d’une demande de titre de séjour à la personne qui vous recevra au rendez vous, à moins qu’elle vous délivre un récépissé qui vous permettra de démontrer qu’une demande est en cours. Si votre demande est formulée par courrier (certaines Préfectures le permettent), la date de dépôt sera la date figurant sur l’avis de réception de la poste. D’où la nécessité d’envoyer votre courrier par lettre recommandé avec accusé de réception. D’autre part, il faut savoir qu'en théorie, le délai recommence à zéro si vous transmettez à la Préfecture de nouveaux documents. En effet, si de nouveaux événements ont lieu dans votre vie, et que vous souhaitez apporter ces éléments complémentaires à votre dossier (mariage, enfant, nouveau travail, etc.), le délai redémarrera à zéro à compter de la date de leur réception par la Préfecture. Exemple : je dépose mon dossier le 5 mars 2020. Si la Préfecture ne m’a pas répondu le 5 juillet 2020, cela signifie qu’elle rejette mon dossier implicitement à cette date. Toutefois, si je complète mon dossier le 22 juin 2020, alors le délai de 4 mois redémarre à zéro à compter de cette date, et la Préfecture rejettera implicitement donc mon dossier le 22 octobre 2020. Attention : il faut pouvoir prouver que vous avez transmis les documents à la Préfecture, le mieux est donc d’envoyer une copie des documents par lettre recommandée avec accusé de réception, et de garder la copie de ce que vous envoyez. B- Motifs "normaux" de l’absence de réponse dans le délai de 4 mois Plusieurs raisons peuvent expliquer une absence de réponse de la Préfecture. En effet, dans certains cas, la Préfecture doit recueillir l’avis d’un autre organisme avant de vous répondre, ce qui rallonge le délai d’instruction de la demande :
Dans certains cas, il est donc “normal” que la Préfecture ne réponde pas et il vaut mieux parfois patienter, et éventuellement envoyer un courrier à la Préfecture pour demander à quel stade en est le dossier. Si le délai de 4 mois est dépassé et qu’il n’y a pas de motif particulier à ce dépassement, alors un recours peut être engagé contre la décision implicite de refus. II - Le délai de 4 mois est dépassé : recours possible contre la décision implicite de refus Le recours doit nécessairement être effectué par un avocat compétent dans le domaine du droit des étrangers. En effet, la procédure devant le Tribunal administratif est complexe et nécessite des connaissances techniques approfondies. A- Avantages d’un recours Le recours en cas de silence du Préfet pendant les 4 mois à l’avantage de faire bouger la procédure et “forcer” le Préfet à se prononcer rapidement sur le dossier. Parfois, il arrive que lorsque l’avocat demande les motifs de la décision de refus implicite, la Préfecture prenne la décision rapidement car elle sait qu’un recours va être intenté de manière imminente. Cela permet donc d’avoir parfois une réponse rapide et de savoir ce qui “bloque” dans votre dossier. Cela peut être ainsi intéressant de faire un recours quand le délai d'attente est excessif, par exemple au bout d’un an. B- Inconvénients du recours Faire un recours contre la décision de refus implicite du Préfet à un désavantage majeur, en particulier si vous détenez un récépissé autorisant le travail. En effet, le recours va faire cesser le renouvellement des récépissés et donc, si vous travaillez, vous ne pourrez fournir de nouveau récépissé valant autorisation de travail à votre patron si le recours devant le Tribunal est rejeté. Le second inconvénient d’engager un recours à ce stade est qu’il peut “froisser” la Préfecture, qui n’avait juste pas eu le temps encore d’examiner votre demande, sans qu’il n’y ait d’élément bloquant dans celui-ci. Cela peut ainsi déboucher sur une décision négative de sa part. III- Que faire si je n’ai pas de preuves du dépôt de mon dossier à la Préfecture ? Si je n’ai ni récépissé, ni attestation de dépôt, ni accusé de réception permettant de démontrer que j’ai déposé mon dossier ou que je l’ai complété, alors il faut tout simplement obtenir ces éléments de preuve. Il faut donc renvoyer à la Préfecture tout le dossier, en expliquant que vous complétez la demande de Monsieur/Madame X, déjà déposé à la date du X, en expliquant les motifs de votre demande, et surtout l’envoyer en recommandé avec accusé de réception.
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La décision de refus de séjour et l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) sont deux décisions bien distinctes, qu’il convient de définir avant d’expliquer leur fonctionnement.
Une décision de refus de séjour est le refus de la Préfecture de vous octroyer un titre de séjour. Il ne faut pas confondre le refus de séjour avec le refus de visa, qui est le refus de l’ambassade de vous laisser entrer régulièrement sur le sol français. L’OQTF, comme son nom l’indique, est une injonction qui vous est faite de quitter la France, parfois sans délais, et parfois, avec un délai de 30 jours. C’est une décision prise par le Préfet. Ces deux décisions vont de paire mais n’interviennent pas systématiquement ensemble. En effet, un refus de séjour peut intervenir seul. Cela signifie que le Préfet ne vous donne pas de carte de séjour car vous ne remplissez pas les conditions pour l’obtenir, mais il ne vous expulse pas pour autant du territoire français. Ce type de décision est curieuse puisque finalement, en ne vous expulsant pas, le Préfet vous “autorise” non officiellement à rester sur le territoire français, pourtant sans titre de séjour. Parfois, le refus de séjour est accompagné d’une OQTF. C’est un cas assez courant, notamment lorsque vous n’avez pas de membres de votre famille sur le territoire français. Dans d’autres cas, l’OQTF est prise seule, sans que vous ayez déposé de demande de titre de séjour (par exemple, après un contrôle d’identité ou à l’issue d’une procédure d’asile infructueuse). C’est souvent lorsque le Préfet apprend que vous êtes sur le territoire mais que vous n’avez aucun motif prévu par la loi pour y rester. Quand vous avez reçu l’une ou l’autre de ces décisions, pouvez vous déposer une nouvelle demande de titre de séjour ? I- Cas où vous n’avez pas reçu d’OQTF ou une OQTF de plus d’un an Lorsque vous n’avez pas été destinataire d’une OQTF, vous êtes libre de déposer une demande de titre de séjour quand vous le souhaitez. Et ce, même si vous avez fait l’objet d’un précédent refus de séjour. Il ne faut donc pas hésiter, si vous estimez remplir les conditions, redéposer une nouvelle demande de titre dès que possible. II- Cas où vous avez reçu une OQTF datant de moins d’un an La règle est que, lorsque vous avez été destinataire d’une OQTF, vous ne pouvez pas déposer de nouveau dossier en Préfecture pendant une durée d’un an à compter de la date de signature de cette OQTF ( et non à compter de la date où vous en avez connaissance). Si vous avez une OQTF signée par le Préfet le 18/01/2020, vous ne pouvez donc pas déposer de nouvelle demande avant le 18 janvier 2021. Toutefois, dans certains cas, vous pouvez déposer un dossier alors qu’une OQTF date de moins d’un an : 1- Lorsque votre OQTF a été annulée devant le tribunal administratif ou retirée/ abrogée par le Préfet. 2- Lorsque vous avez pris un rendez vous à la Préfecture avant la date de l’OQTF. Toutefois, cette exception est le fruit de ma pratique dans mon département et n’est peut être pas applicable à tous les départements, cela n’est donc pas garanti. 3- Parfois, en expliquant au guichetier que votre situation administrative à changé depuis la dernière OQTF, vous pouvez essayer de négocier pour déposer une nouvelle demande. Pour ma part, au vu des pratiques divergentes, je vous conseille de tenter votre chance si vous estimez remplir les conditions de délivrance d’un titre de séjour, et vérifier auprès de votre Préfecture si vous pouvez déposer un dossier, même si votre OQTF date de moins d’un an. |
AuteurElodie Jeanneteau Avocate en droit des étrangers ArchivesCatEgories
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